Contexte
Depuis plusieurs années, de nombreux défis ou challenges sont lancés dans le monde numériques, notamment à travers les réseaux sociaux. En fait, il y en a tellement qu’un recensement exhaustif serait illusoire. Certains se veulent bon enfant. Rappelez-vous en 2014 ce défi qui consistait à se jeter dans l’eau froide. Vous étiez invités par un ami à le relever dans les 48 heures. En cas de refus, vous offriez un repas à votre ami.
D’autres sont plus dangereux pour l’intégrité physique. Par exemple, après la sortie du film Bird Box en 2018, un défi s’en inspirant consistait à réaliser des tâches de la vie quotidienne les yeux bandés. Aussi surprenant que cela puisse paraître, des personnes ont reproduit une scène du film dans laquelle Sandra Bullock conduit une voiture les yeux bandés. Comme on pouvait s’y attendre, les choses ne se sont pas toujours bien terminées pour ces personnes. Enfin, il existe des pseudo-défis qui sont clairement malveillants. On peut citer à titre d’exemple le Blue Whale Challenge (2015-2016) ou plus récemment le « Momo challenge ». Nous reviendrons sur ces derniers plus loin dans le texte. Avant cela, intéressons-nous au défi en tant que tel.
Se défier pour montrer sa valeur et gagner le respect
Les défis existent sûrement depuis des dizaines, voire des centaines de milliers d’années chez l’homme. Les réseaux sociaux n’ont fait que leur donner une dimension bien plus large qu’auparavant. Mais qu’est-ce qui pousse une personne défiée à prendre des risques au point que ceux-ci peuvent lui être fatal dans certains cas ? La définition première du défi selon le dictionnaire Larousse est une « Action de provoquer quelqu’un en combat singulier ou à une compétition ». Ici, le défi a pour but de montrer qui des deux parties impliquées à les meilleures compétences ou est la plus vaillante. Au final, il y a un vainqueur et un vaincu.
Une deuxième définition de ce même dictionnaire indique que le défi peut aussi être le « fait de provoquer quelqu’un en le déclarant incapable de faire quelque chose ». À l’heure actuelle, c’est cette deuxième définition qui concerne le plus souvent les « défis » que l’on se lance (aux autres ou à soi-même). Le but est ici de prouver au plus grand nombre et/ou à soi-même son courage et sa valeur en faisant quelque chose de risquée ou de particulièrement exigeant. On espère également gagner le respect, l’admiration et se sentir fier de soi. Autant de caractéristiques qui vont en particulier attirer les adolescent-e-s et les jeunes adultes.
La popularité des défis chez les jeunes et des comportements à risque liés
L’entrée dans l’adolescence implique de nombreux changements d’ordre physiologique mais également d’ordre psychologique et social. L’adolescent construit petit-à-petit son identité. Les pairs deviennent très importants pour le jeune, parallèlement aux groupes auxquels il appartient ou voudrais appartenir. Les défis sont alors un moyen de gagner l’estime de ces groupes et d’y faire sa place. Par exemple, certaines communautés étudiantes mettent à rude épreuve les jeunes qui veulent y adhérer. Ces derniers doivent démontrer leur volonté d’appartenir à la communauté ainsi que leur valeur à travers ce que l’on peut nommer toute une série de « défis ». À un niveau plus individuel, relever un défi peut sembler aussi être un bon moyen pour attirer sur soit le regard de l’être aimé. Enfin, les défis peuvent faire office de rite de passage vers le monde adulte.
Plus la prise de risque sera élevée et plus la personne pourra attendre des bénéfices en retour (notamment en terme de reconnaissance sociale). Un défi induira donc très souvent un comportement relativement « risqué » ou « exigeant ». Parallèlement, l’adolescence est une période particulièrement propice pour les comportements à risque. Les structures cérébrales permettant l’identification du risque, son estimation, les éventuelles conséquences, etc. ne seront pas complètement mature avant l’âge de 25 ans. L’adolescent va donc être biologiquement plus enclin à entreprendre des activités dangereuses.
La dimension Cyber du défi
Comme on vient de le voir, le défi et ses fonctions existent depuis bien longtemps. De plus, la période de l’adolescence et ses caractéristiques va rendre le défi particulièrement attractif. Et grâce à Internet, on peut en théorie démontrer notre courage et attirer le regard du monde entier sur nos exploits. De même, on peut proposer à ce même monde entier de réaliser autant de défis que notre créativité nous le permet.
Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’ils pullulent sur la toile. Voir des défis va inspirer et faire travailler la créativité de certains qui en réaliseront et proposeront de nouveaux. Bien entendu la surenchère sera de mise. Réussir un défi comme l’on réussi les autres c’est bien. Mais le réussir en prenant encore plus de risques ou en poussant encore plus les choses à l’extrême, c’est mieux. Avec une telle mécanique, on assiste alors sans surprise à des défis de plus en plus osés et dangereux.
Mais il faut noter que les défis filmés sont des contenu très « vendeur », surtout quand ils tournent mal. Ils sont donc largement relayés sur les réseaux sociaux et en particulier sur Youtube. À tel point qu’en janvier 2019,Youtube a dû renforcé ses règles. Depuis, tout contenu encourageant la violence ou des activités dangereuses pouvant entraîner des blessures physiques graves, la détresse ou la mort est interdit. Chose assez ironique, puisque les algorithmes deYoutube font en sorte de justement nous orienter vers des contenus toujours plus extrêmes.
Comment agir préventivement ?
Nous venons de passer en revue quelques principaux éléments liés aux défis dans le monde numérique. Quelles pistes pouvons-nous maintenant en tirer pour la prévention ? Une des recommandations de base avec les écrans est de s’intéresser à ce que nos enfants font avec. En gardant ainsi le lien, un parent pourra mieux repérer les contenus potentiellement risqués et en discuter. À noter ici que « s’intéresser » ne veut bien sûr pas dire « espionner ». Ce terme est à prendre au sens d’être curieux, de poser des questions et de discuter sur les activités qu’un jeune fait avec les écrans.
Si le défi incite à la violence ou peut avoir des impacts graves sur la santé, il ne faut pas hésiter à le signaler. Que ce soit à la plateforme numérique hébergeant la vidéo ou aux autorités compétentes, comme par exemple la brigade des mineurs pour le canton de Fribourg.
Les cas particuliers du Blue Whale Challenge et du « Momo challenge »
Ces dernières années, deux pseudo-défis ont en particulier attirés l’attention. Le Blue Whale Challenge a défrayé la chronique entre les années 2015 et 2016. Le principe de ce « challenge » était de réaliser des défis devenant toujours plus exigeants et dangereux. Il y en avait en tout 50, le dernier consistant à se suicider. Le « Momo challenge » a quant à lui provoqué le buzz en 2018. Il s’agissait de contacter via WhatsApp un personnage aux aspects inquiétants, « Momo ». Ensuite de quoi, ce dernier donnait des défis à relever jusqu’au plus extrême, à nouveau le suicide.
Ces deux « challenges » ont évidemment beaucoup inquiétés les adultes et en premier lieu les parents. Ils ont été largement relayés par la presse ainsi que par les Youtubeurs. Mais en creusant un peu, il est vite apparu qu’ils tenaient surtout de la légende urbaine. C’est particulièrement le cas pour le « Momo challenge » qui ne compte aucune victime officielle des suites des défis lancés par « Momo ». Un article du journal « Le Monde » bien fouillé explique la mécanique qui s’est mise en place pour qu’on en arrive à un buzz mondial.
En fait, ces phénomènes relèvent du cyberharcèlement. Dans la majorité des cas, des jeunes qui ont eu vent de ces défis les utilisent pour faire de mauvaises plaisanteries à des camarades. Ces cas doivent être dénoncés le plus rapidement possible. Tout d’abord à l’école et si les circonstances l’exigent, à une autorité compétente (à nouveau la brigade des mineurs pour le canton de Fribourg). Il convient également de traiter le problème uniquement avec les personnes concernées. La médiatisation et la « sur-prévention » de ces phénomènes sont à éviter.
Conclusion
Les défis répondent à des besoins humains de reconnaissance sociale, de dépassement de soi ou de compétition. Ceci est particulièrement vrai pour les adolescents. Mais une juste limite est à trouver pour ne pas se mettre en danger. C’est sur internet que se passe maintenant les défis. C’est pourquoi communiquer avec nos enfants au sujet de leurs activités sur les écrans est essentiel. Certains de ces défis sont du pure cyberharcèlement. Ils doivent être signalés le plus tôt possible pour diminuer au maximum les effets délétères.